URCUNINAS Souffle de la Terre
L’épopée de cette exposition a débuté avec un désir commun d’aller filmer le volcan colombien Galeras. Après la lecture du livre Les cris du volcan de Stanley Williams qui relate l’expédition scientifique de 7 volcanologues dans la caldera du Galeras afin de mieux comprendre les signaux préliminaires d’une irruption. Arrivés en haut le volcan s’éveille et provoque l’accident mortel. Edward Burke nomme cette fascination pour la puissance de la nature et sa beauté mortelle, le sublime. Il est donc question dans cette exposition de beauté et de fragilité du vivant. Notre expédition donna finalement naissance à 3 vidéos sur les volcans Galeras, Cumbal et Azufral. Ce sont trois portraits, dont chacun montre le volcan sous un autre angle. Le rapport entre le souffle du volcan et le souffle des expéditeurs, les bouches jaunes et soufrées, et une mythologie de naissance. Les portraits des trois volcans sont initiés dans la première salle par des portraits de pierres. Faire le portrait d’un élément minéral implique de lui attribuer une identité. Dans la vidéo El Gran Chaïtan, c’est les mythes locaux relatant la naissance du volcan Azufral qui sont compilés pour créer une nouvelle histoire de l’apparition de celui-ci. Ici l’humain est au cœur de la création et donne son identité émotionnelle au volcan. Les scanographies des diverses pierres récoltées par Edwin sont autant de vues microscopiques des différents visages des montagnes.
Chaque scanographie est une vue rapprochée de l’ensemble. Elles sont inertes mais semblent grouiller de vie grâce aux miroitements de leurs couleurs. Alors qu’elles ne montrent qu’un détail des montagnes, chacune des pierres contient un monde entier en elle avec ses vallées, ses brèches et ses monts.
Les trois portraits dessinés par Nathalie, le Galeras, le Cumbal et l’Azufral, ont eux aussi été crées par une mise à distance entre l’objet réel et ce qui est rendu visible. Ce sont des impressions, au double sens du terme. Des impressions restantes de l’expédition sur les volcans mais aussi, plus techniquement, des impressions sur papier. Les couleurs et les traces sont obtenues par dépôt du papier sur l’encre de couleur suivi de leur retrait.
Nathalie reconstitue des images en utilisant des procédés d’impression monotypales ou de gravure d’épargne, comme si intervenir sur le papier avec une certaine distance pouvait être un acte moins invasif et plus mental que l’acte direct avec la force du corps. Ainsi vous retrouverez dans toute l’exposition l’impression diversifiée de la même matrice de linoléum et des cailloux venus de très loin. Les plantes du páramo sont également présentes dans toute l’exposition. Un herbier récolté dans le páramo. Ce geste peut justement sembler intrusif. Prélever, sécher et emporter la plante d’un autre monde était la spécificité des naturalistes européens tels que Alexander von Humboldt.
Ici la transformation relève la fragilité de cet écosystème et tente d’en assurer son immortalité. Le dessin , El páramo en fuego, nous donne à voir le résultat des feux, souvent criminels, qui se sont déclenchés dans plusieurs parties de la Colombie en février 2024. Le biotope andin en a fortement souffert. Autant de vues différentes nous emportent dans les couches successives des végétations d’altitude, jusqu’à arriver au sommet de la montagne faite de pierres noires et de brouillard.